Qui sommes nous...

Les trois Gros et Kiki le chien... Nous vivons à bord d'un voilier nommé Carpe Diem, et pour être à la hauteur de cette devise horacienne, nous partons à l'aventure et à la rencontre de la nature sauvage, des paysages uniques et bouleversants et des gens, dans toute leur diversité...

vendredi 8 juillet 2011

Cap 121° : Capraia

  Départ du quai U : 9h17. Arrivée à la pompe essence : 9h20. Ces quelques minutes suffirent de nous faire un petit rappel de l’amarrage rapide. Forcement, pour nous, le petit équipage il y avait certaines notions qu’on devait encore approfondir… Néanmoins nous sommes arrivés à partir, sans faire trop de dégâts et devant nous s’étendait une mer plate, parsemée par quelques petites vagues par ici et par là…

  
   Après de multiples manœuvres impliquant la grande voile, le génois, le génois tangoné (et vite fait enlevé), et le moteur, nous choppons quelques 12 nœuds de vent, ce qui nous permet d’hisser à nouveau les voiles. L’éolienne, apparemment ravie de sa nouvelle pale, nous accompagne avec un bruit assourdissant d’un avion au décollage, et nous décidons de l’arrêter pour le moment. Tout le monde profite de ce calme pour se reposer : Greg et Sandra dans leur cabine, Julie et moi dans le cockpit. Seulement Patrick fait encore les allez et retours, en vérifiant constamment la carte, les voiles, la canne à pêche, lancée dans un geste d’extrême optimisme, et les consignes du pilote automatique. Mais petit à petit même le capitaine se laisse bercer par la douceur des vagues et s’accorde une petite sieste…



  Midi. Un rapide coup d’œil sur la carte me donne une certaine impression, que notre route diffère « légèrement » du cap préalablement défini. Je dois admettre, que même si je ne suis pas un marin expérimenté, au cours de mes voyages précédents, j’ai appris au moins une chose : qu’à la voile il y a une seule manière d’avancer : en accord avec les éléments. Mais bon, si on continue comme ça, on arrivera à Capraia en passant par les Bouches de Bonifacio…
  21h. Nous sommes tous réunis dans le cockpit, quand un petit bruit, indécelable par la jeune partie d’équipage, nous fait échanger des regards inquiets avec Patrick. Le régime du moteur semble baisser, au début très doucement, pour ensuite poursuivre sa chute vers un inévitable biiiiiiii… On cale. Patrick attend quelques secondes puis redémarre. Une petite hésitation mais le vieux Yanmar s’accroche et on peut poursuivre notre route. Au moins pour le moment.
  Nous nous comprenons sans avoir prononcés un mot : ce sont nos vieux démons de la transat qui nous attrapent – les bactéries du gasoil. Cette peste détestée par tous les marins vous attrape, quand par mégarde ou par malchance (pour nous c’était cette deuxième alternative : 3 semaines en plein océan avec un calme plat pendant 15 jours, de quoi vider la dernière goutte de ce précieux liquide) vous raclez le fond de votre réservoir. Les filaments d’une boue infecte, reposant dans les conditions normales tranquillement au fond, se propagent maintenant dans tout le système, bouchant tout sur son passage : les filtres, les tuyaux, les durites… Et malheureusement la maladie devient chronique. Malgré tous les efforts de Patrick, consistant en nettoyage profond du réservoir et du système d’alimentation, et en suivant les conseils de « grand-mères marins », en employant du l’huile de tournesol en guise de diluant des saletés, le problème persiste et revient quand on s’y attend le moins.
  Et en ce moment, on n’avait vraiment pas besoin d’un problème supplémentaire. Fatigués après une nuit passé dans le train, Greg et Sandra, ou plutôt leurs estomacs, n’ont pas bien appréciés la danse de la houle de face, qui au moteur nous faisait valser dans tous les sens. Kiki, quand à elle, a choisit de regarder la dure réalité en face, en tremblant dans la plus grande solitude sur l’avant du bateau. Notre première nuit de voyage commença de tomber.
  23h. Le moteur cale encore quelques fois mais ensuite il repart de bon pied. Julie, qui voulait faire son premier quart de nuit, dort paisiblement sur la banquette du cockpit, emmitouflée dans les couvertures polaires. La mer se calme et Patrick, accompagné de Kiki, descendent à l’intérieur pour un petit repos bien mérité. C’est mon tour de veiller sur le navire et ses passagers. Quand il me rejoigne à nouveau vers minuit et demi, un nouveau spectacle s’offre à nos yeux : les feux d’artifices de Monaco en honneur du mariage du couple princier. Ceci est aussi une bonne indication de notre vitesse de croisière : depuis le matin nous avons parcourus seulement une trentaine de nautiques. Vivent les bateaux à moteur !
  Au petit matin nous remettons les voiles. Le vent a tourné et nous sommes maintenant avec le vent et surtout avec les vagues de travers. Ce n’est pas très grave, car nous avançons assez vite (6-7N) et dans le bon sens, mais les mouvements chaotiques du navire endorment de nouveau nos jeunes.
Au début de l’après-midi le capitaine décide qu’il est bien le temps de recharger correctement nos batteries à l’aide du groupe électrogène. A ces mots, tout le monde se précipite pour charger les biens les plus chers : les téléphones portables et les appareils photo pour les uns, les consoles de jeux et les lecteurs de DVD pour les autres… On attend tous les petits voyants s’allumer pour dire »on charge ».  Le groupe démarre tranquillement… puis se tait. On renouvelle les essais, mais toujours avec le même résultat. Là, cette fichue poisse commence vraiment à nous énerver. Patrick déballe tout le contenu du coffre pour accéder au générateur, glisse sur une flaque d’huile survenue d’on ne sait où, et plonge la tête en premier dans cet endroit étroit et « claustrophobique ». La bataille technique commence : deux cerveaux d’homme pour trouver la panne, et trois féminin, pour jongler avec les essuie-tout et les produits de nettoyage, pour ne pas graisser d’avantage notre teck, si soigneusement récupéré avant le départ. Au bout d’une heure les garçons commencent à ranger : la présumée coupable, une courroie complètement distendue, et apparemment absente du kit de réparation de MASE (à quoi ça sert un kit de réparation avec des outils inadaptés ou inutiles ? il faudrait que quelqu’un m’explique cette logique tordue un jour), ne peut pas être remplacée par une réparation de fortune, et une escale technique s’impose.


 Entièrement envahis par nos soucis nous n’avons pas remarqués le fait qu’à seulement 1 ou 2 NM du Cap Corse, nous n’avons pas du tout ressenti les chamboulements habituels de cet endroit. En fait, le vent s’est même calmé, et la mer a lissé ses vagues, nous permettant d’avancer tranquillement. Au loin, couverte par la brume estivale, se dessinait la silhouette mystérieuse de Capraia. Mais est-ce cette petite ile italienne la solution de nos problèmes ? Nous décidons de tenter notre chance de réparation plutôt sur le sol français, et hésitons maintenant entre Macinaggio, tout près, mais en même temps petit et incertain au niveau des pièces de rechange, et Bastia, qui demande encore quelques heures de navigation, mais semble être plus sûre. Le choix est fait : nous tournons au 180°.  Le cap sur Bastia.


 L’arrivée au soir a certains avantages : la lumière est tamisée, tout paraît un peu mystérieux, mais on voit toujours assez bien pour ne pas se « planter » où il ne faut pas. A Bastia le soleil se couche assez tôt derrière la chaîne de montagnes avoisinantes et vers 9h toutes les lumières du port étaient déjà allumés, provoquant un contraste immense avec la ville vu de l’extérieur.  Nous nous amarrons sur le seul quai disponible pour les grands yachts (à part le quai juste derrière la digue, qui, vu l’amplitude de mouvements latéraux des mâts, ne semblait pas être bien abrité de la houle entrante). Comme la capitainerie du port, malgré nos multiples appels ne répondait pas, il nous restait qu’espérer, que le propriétaire potentiel de la place, ne viendra pas au milieu de la nuit, pour nous la réclamer. Mais pour l’instant tout le monde se concentrait sur les choses plus essentielles : manger un bon diner, s’offrir une bonne glace au glacier du coin en guise de récompense pour ces 30 heures de confort limité, et… aller dormir.

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